Héritage : La daronne à l'abri ?

Dans nombre de ses œuvres de la Comédie humaine, Balzac aborde deux thèmes fortement liés : la famille et l’argent (*musique du Parrain en fond*). La question de l’héritage, centrale dans la France du XIXème siècle est revenue depuis quelques décennies en force, dans l’Hexagone.


Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale nous avons vu un poids si considérable des ressources accumulées par les vénérables ancêtres sur le futur de leurs descendants. Si les Français se montrent en grande majorité favorables à la méritocratie, paradoxalement beaucoup s’opposent à une forte taxation du précieux héritage. Toucher à l’héritage, c’est toucher à la famille ! On ne touche pas à la famille ! Comme le disait notre cher Président Macron, « arrêtons d’emmerder les vieux ». Nos boomers ont bossé toute leur vie pour avoir l’opportunité de transmettre à leurs chérubins le pactole qu’ils ont amassé, à quoi bon si c’est pour que l’Etat nous taxe même morts ?


D’abord essayons de comprendre pourquoi l’héritage est aujourd’hui un énorme facteur d’inégalité.


Depuis quelques décennies on assiste à une concentration du patrimoine, la source des inégalités de richesse. Le patrimoine ce n’est pas uniquement ce que vous avez dans vos comptes en banque. C’est avant tout la richesse non cash comme les biens immobiliers et surtout les actifs financiers. En effet, plus on monte dans l’échelle sociale, moins la part des revenus liés au travail est faible. Ainsi à salaire égal, un énorme écart se creuse entre une personne héritant d’un bien d’une valeur équivalente à plusieurs années de salaire et une autre n’héritant rien, toutes choses égales par ailleurs. Mais attention, cela ne s’arrête pas là ! Ceux qui héritent auront aussi à leur tour quelque chose à transmettre à leurs enfants ! La majorité des héritiers investissent souvent également : le patrimoine des descendants devient ainsi de plus en plus important, comme un effet boule de neige. Selon l’Insee, hériter augmente de 20 points les chances de devenir propriétaire.


Vous pensez qu’on en a fini ? Allez on continue encore un peu ! Le dernier point expliquant le poids considérable de l’héritage est le fait que l’on a tendance à se marier avec des gens de sa classe sociale. Et oui, on ne mélange pas les torchons et les serviettes ! Cela participe ainsi à l’incroyable concentration des ressources à laquelle on assiste. Qui est par exemple la femme de notre disrupteur Xavier Niel ? Qui d’autre si ce n’est Delphine Arnault, fille de la première fortune française Bernard Arnault.


Résultat des courses : 30% des bénéficiaires de plus de 100 000 euros en héritage exercent des fonctions libérales contre seulement 6% d’employés. A titre informatif, 13% des Français héritent d’un patrimoine supérieur à 100 000, toutes professions confondues.


La fiscalité pourrait être un moyen de lutter contre ces inégalités non ? Taxer des biens pour lesquels on n’a pas sué paraîtrait raisonnable non ? L’impôt lié aux successions est très mal connu des Français. Généralement surestimé (les chiffres de 25-30% de la valeur du patrimoine sont souvent cités), il fait peur et provoque une levée des boucliers. Sans rentrer dans les détails, on n’a jamais assisté à de si faibles taux, et seule une infime partie des Français est concernée par une fiscalité lourde. Pourquoi ? D’abord il existe plusieurs taux (progressifs, comme l’impôt sur le revenu) et des abattements considérables sont appliqués en fonction du degré de parenté (aucun impôt s’il s’agit de votre conjoint, 100 000 euros d’abattement si c’est votre enfant). Imaginons que vos parents vous lèguent 150 000 euros (imaginons j’ai dit !) : vos impôts liés à l’héritage seront de 8 194,35 euros. Sur les 150 000 euros initiaux ! Nous sommes loin des 30 %. Ainsi, une meilleure pédagogie liée à cet impôt permettrait de voir dans les années suivantes une augmentation de ce dernier , car rappelons-le, tous les enfants français n’ont pas 150 000 écus à hériter !


Enfin dernier point : la population française vit de plus en plus longtemps, l’espérance de vie est de 82 ans (n’en déplaise au Covid 19). Cela signifie qu’il faudra attendre plus longtemps pour dépenser les legs de vos parents ! D’autant plus que les dernières années de vie sont souvent les plus coûteuses, liées surtout aux frais de santé : plus de soins, de plus en plus chers.


Hériter d’un million est donc assimilable à jouer à l’Euromillions : tout ce que l’on a à faire c’est de naître dans la bonne famille pour toucher le jackpot. Pour corriger cet obstacle à l’égalité des chances, certains proposent de supprimer l’héritage et de le remplacer par une somme importante ( 20 000 euros ou plus) accordée à chaque personne atteignant l’âge de 25 ans, telle une sorte de revenu universel.


Qu’en pensez-vous ?




Ilyess